Les reculs en transport adapté au Québec : Une fragilisation des droits fondamentaux
Depuis plusieurs années, le transport adapté au Québec connaît des difficultés qui vont bien au-delà des simples problèmes logistiques ou budgétaires. Pour des milliers de citoyennes et citoyens, ce service est la condition même de leur autonomie, de leur dignité et de leur participation à la vie sociale. La fiabilité du service pour se rendre au travail, aux soins ou à des activités essentielles est plus que jamais incertaine. On note sur l’ensemble des régions une disparité des services en fonction de son lieu de résidence, une qualité et sécurité des transports qui se dégradent, un personnel formé qui se fait rare, des flottes de véhicules vieillissante, plus souvent accessibles que véritablement adaptés, un financement qui ne répond plus aux besoins réels des personnes admises à ce mode de transport…
Ces reculs ne sont pas anodins. Ils fragilisent directement plusieurs droits fondamentaux protégés par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. La mobilité adaptée est un levier d’égalité et de citoyenneté : quand elle flanche, ce sont des pans entiers de la participation sociale qui s’effritent.
Un recul de l’accessibilité réelle
Le transport adapté est ce qui permet aux personnes ayant des incapacités d’aller à l’école, de travailler, de se soigner, de profiter de la culture et de participer pleinement à la communauté. Quand il fonctionne correctement, il nivelle les différences et ouvre l’accès à tous les droits de la citoyenneté.
Aujourd’hui, dans de nombreuses régions, les réalités sont autrement plus difficiles :
- Des heures de travail perdues à cause de transports imprévisibles ;
- Des rendez-vous médicaux essentiels manqués faute de véhicule ;
- Des activités sociales ou communautaires abandonnées par manque d’accès ;
- L’angoisse constante de ne pas savoir si un transport sera disponible.
La conséquence est claire : l’accessibilité réelle diminue, et avec elle, la capacité concrète des personnes à exercer leurs droits. C’est une forme de discrimination indirecte, structurelle, mais bien tangible.
Une fragilisation directe de droits garantis par la Charte
La Charte québécoise des droits et libertés de la personne protège plusieurs droits fondamentaux aujourd’hui mis à mal par ces reculs. (https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/C-12)
1. Le droit à l’égalité (art. 10)
Une société qui laisse ses services essentiels se dégrader empêche les personnes handicapées de circuler, de travailler, de se soigner et de participer pleinement à la vie publique. Même si ce recul n’est pas intentionnel, il crée une discrimination systémique : un groupe de citoyens se voit privé de conditions équivalentes à celles des autres.
2. Le droit à la dignité (art. 4)
La dignité se vit au quotidien : pouvoir choisir, participer, agir sans être limité par des obstacles évitables. Quand l’accès au transport est incertain, que la vie doit s’adapter à des contraintes permanentes, la dignité recule.
3. Le droit à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité (art. 1)
Pour beaucoup, le transport adapté est le seul moyen sûr de se rendre à des soins, au travail ou à des traitements essentiels. Un service instable signifie perte d’accès aux soins, dépendance accrue, risques pour la santé et limitation de la liberté de circulation.
4. Le droit à la pleine participation sociale
Ce droit, bien qu’implicite, découle de l’ensemble de la Charte ainsi que de la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale (https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/E-20.1). Le transport adapté est l’infrastructure qui le rend possible. Quand il flanche, c’est la participation sociale qui disparaît, laissant place à l’isolement et à la marginalisation.
Un enjeu de justice sociale et de mobilisation collective
Le Québec a depuis longtemps affiché une vision inclusive et progressiste : toutes les personnes doivent pouvoir exercer leurs droits sur une base d’égalité réelle. Pourtant, aujourd’hui, une partie de la population doit encore se battre pour accéder à un service que beaucoup considèrent comme acquis. Une société ne peut se prétendre équitable si certains citoyens doivent constamment justifier leur droit de se déplacer, de participer et de contribuer.
C’est pourquoi la mobilisation de toutes et tous est indispensable. La protection et l’amélioration du transport adapté ne peuvent reposer uniquement sur celles et ceux qui en dépendent. Chaque citoyen, chaque organisation, chaque décideur a un rôle à jouer pour faire valoir ces droits et s’assurer que le transport adapté reste un service fiable, stable et respectueux des droits fondamentaux. C’est un engagement collectif pour un Québec réellement inclusif et juste.
Pour avoir plus d'informations, vous pouvez consulter :
- La campagne nationale 2026 pour un transport adapté digne, juste et équitable piloté par la Coalition transport adapté ;
- Les ressources de transport adapté sur L'accompagnateur.
Article rédigé par l'ARUTAQ (Alliance des regroupements des usagers du transport adapté du Québec).