Quand la discrimination et l’exclusion affectent le Droit au logement des personnes en situation de handicap
La première discrimination que subissent les personnes en situation de handicap en matière de droit au logement est en raison d’un cadre bâti inadéquat. En effet, le vieux cadre bâti ne répond pas aux besoins d’une part de plus en plus importante de la population (escaliers seulement, manque d’insonorisation ou d’isolation…). Lorsque la conception des nouveaux immeubles est inadéquate, elle génère de l’exclusion et de la discrimination, puisqu’elle empêche une partie de la population d’y accéder ou d’y habiter. Il est pourtant possible de réaliser des projets réellement inclusifs lorsqu’on applique les principes de la conception universelle, tel qu’expliqué dans ce Guide publié par la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). À notre avis, aucun fonds public ne devrait être investi dans un projet qui ne respecte pas ces principes.
Ensuite, tout comme les familles monoparentales et les personnes racisées, les personnes en situation de handicap subissent souvent de la discrimination lorsque vient le moment de se trouver un logement. Lorsqu’une ou un propriétaire refuse de louer à une personne sous prétexte qu’elle est en situation de handicap, il est possible de déposer une plainte à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, en particulier si vous avez des preuves écrites ou verbales.
Toutefois, c’est lorsqu’il s’agit de conserver leur logement que les personnes en situation de handicap subissent le plus de discrimination. En effet, c’est la catégorie de personnes qui est la plus à risque de voir contester leur droit au maintien dans les lieux. Des coopératives, par exemple, ont tenté de forcer des locataires de longue date à quitter leur logement sous prétexte que ces personnes n’étaient plus capables d’effectuer certaines tâches qu’elles effectuaient auparavant. Ont-elles le droit d’agir ainsi ?
Bien que certains jugements l’aient autorisé par le passé, cette interprétation du droit est contestée, notamment dans cet article de Besner et Grondin1. Ils considèrent que, bien que les coopératives puissent retirer le statut de membre (ce qui a pour conséquence l’augmentation du loyer) à une personne qui, par exemple, n’est plus en mesure d’effectuer certaines tâches, la personne maintient tout de même ses droits en tant que locataire. Il ne serait donc pas possible de la forcer à quitter les lieux, sauf dans les cas prévus par la Loi (par exemple, pour non-paiement de loyer).
Cette étude de 2025 du Centre canadien pour le droit au logement démontre l’ampleur des pressions qui s’exercent sur les personnes en situation de handicap : « les personnes qui s’identifient comme en situation de handicap sont 66,7 % plus susceptibles de devoir suivre des règles différentes, 316,67 % plus susceptibles de subir une agression de la part de leur propriétaire et 20,37 % plus susceptibles de voir leurs limites outrepassées par leur propriétaire par rapport aux personnes qui ne s’identifient pas comme en situation de handicap2 ».
Pour donner un exemple de règles différentes, des propriétaires ont récemment été réticents à louer un logement à moins que la personne embauche elle-même une personne pour faire le ménage à sa place. Il s’agit d’un bel exemple de capacitisme3 : le propriétaire présume que la personne en situation de handicap fera moins bien le ménage au premier coup d’œil, sans connaître les réelles capacités de la personne. Il serait impensable qu’une ou un propriétaire exige la même chose d’une personne sans handicap.
Il est à noter qu’aucun propriétaire ne peut forcer une ou un locataire à quitter son logement sans avoir obtenu au préalable un jugement du Tribunal administratif du logement. On nous rapporte cependant que la diminution des capacités physiques ou cognitives d’une personne est de plus en plus utilisée comme prétexte pour la pousser à quitter son logement. De plus, les propriétaires doivent respecter le principe de l’accommodement raisonnable et ne peuvent pas refuser une adaptation d’un logement à moins de démontrer devant ce tribunal que cette adaptation causerait une contrainte excessive pour le propriétaire.
Contrairement à l’Ontario où l’Arch Disability Law Centre offre un service juridique destiné aux personnes en situation de handicap, au Québec il n’existe pas d’organisme offrant des conseils juridiques qui leur sont spécifiquement dédiés. Différents organismes s’organisent toutefois actuellement pour aider les personnes en situation de handicap à connaître et à faire valoir leurs droits.
Par exemple, l’organisme Juripop offre maintenant un service juridique gratuit pour les personnes atteintes de sclérose en plaques ou ayant un cancer.
L’organisme Moelle épinière et motricité Québec mène également un projet pour développer des outils pour aider les personnes en situation de handicap à mieux connaître leurs droits.
Pour sa part, le comité Habitation d’Ex aequo est un endroit où les personnes habitant Montréal et ayant une déficience motrice peuvent partager leur vécu et agir pour défendre collectivement leurs droits en matière de logement. Nous menons présentement une campagne dans le but de réactiver le Programme d’adaptation de domicile, actuellement inaccessible en raison d’un manque de financement par le gouvernement du Québec. Nous travaillons également à ce qu’il y ait plus de construction de logements universellement accessibles et adéquats pour les personnes en situation de handicap.
N’hésitez pas à nous contacter si vous sentez que vos droits en matière de logement sont menacés !
1BESNER, Louis-Simon et Grondin, Olivier. 2022. Les clauses de départ dans les coopératives d’habitation : une interprétation jurisprudentielle mal fondée en droit, article de la revue Cahier de droit, numéro 2, volume 63, juin 2022, p. 329–364.
2EARLE, Megan, GORGON Hodson et O’MANIQUE Sophie. 2025. Mesurer la discrimination dans le logement locatif au Canada (résumé du rapport de recherche), Centre canadien pour le droit au logement, p. 6–7.
3Capacitisme : idéologie qui dévalorise et limite le potentiel des personnes handicapées, et selon laquelle ces personnes sont moins dignes d’être traitées avec respect et égard, moins aptes à contribuer et à participer à la société ou moins importantes intrinsèquement que les autres. En ce sens, le capacitisme est semblable, entre autres, au racisme, au sexisme ou à l’âgisme. Il peut s’exercer de façon consciente ou inconsciente et est inscrit dans les attitudes sociétales ainsi que les institutions de la société et de l’État. Voir Commission ontarienne des droits de la personne, « Capacitisme, attitudes négatives, stéréotypes et stigmatisation ».
Article rédigé par Ex aequo.